Ca y est ! J’ai fait mon baptême de trail, mais de vrai trail : pas de bitume mais des chemins qui montent, descendent et re-remontent, des noms de ravito qui chantent (« Chez Pouyaud » ou « Le Gerbassou », c’est quand même plus sympa que « le km 15 rue de Charenton »), des coureurs avec des beaux cuissots, et des paysages qui changent des quais de Seine. Pour ma 1ère, je m’étais laissée tenter par le trail 32km – 1000D+ des Gendarmes et les Voleurs de temps, en plein Limousin, accompagnée de ma p’tite famille. Résultat de la course : 2 mouches gobées, 1 retour de branche en pleine face, une cheville presque perdue au 30ème km, mais surtout une aventure intérieure humaine inattendue et un finish totalement cuite !
Les Gendarmes font le show
En plus d’être une course sympa organisée par les Gendarmes, les Voleurs de Temps offrent un véritable show dans le SAS de départ. Imaginez-vous un mini concert de Johnny suivi du survol de la patrouille de France sur les Champs avant votre départ pour le Marathon de Paris, sympa hein ? Et bien là c’est la même chose mais en version Limousin : lâché de parachutiste avec atterrissage sous vos yeux, Gendarmes à cheval en costume d’époque, vas-y que je t’en mets plein la vue avec l’hélico de gendarmerie, et… et ce truc là-bas dans le ciel, drôle d’engin ?! On dirait le drone télécommandé de mon petit cousin mais en 10 fois plus gros. Mon voisin me précise que c’est un drone militaire. Comment ?! Le drone gendarme qui me plaquait au sol en 2055 est donc face à moi, en 2015 : « et la prophétie s’accomplit… » (ma bataille avec un drone gendarme c’est à lire dans « j’ai (dé)testé : courir en 2055″)
En attendant le départ je papote avec mon voisin de SAS et tente de glaner quelques infos sur ce trail qu’il court pour la 3ème fois. « 32K et 1000m de dénivelé c’est l’équivalent d’un marathon, donc si tu en as déjà couru c’est bon ». Gloups, comment te dire que je ne suis mentalement pas prête à courir un marathon là maintenant tout de suite…Pas le temps de gamberger, le grand champion animateur du jour Chauchau fait le show et lance le décompte du départ : 5,4,3,2,1, partez ! Les 2300 coureurs postés sur 150 m de ligne de départ s’élancent !
6 premiers KM : j’ai faim !
C’est parti pour les 1ers kilomètres que je sens bien passer à froid, et pourtant je sais qu’il faut prendre sa place dans le peloton, comme sur mes 1ers cross ! J’ai du mal à trouver une foulée fluide, j’ai les jambes lourdes et surtout : j’ai trop faim !!! Mon petit dej’ englouti à 6h du mat’ est déjà loin et je sens que j’aurais très très vite besoin de carburant. Une pauvre tartine à 6h du mat’… Ah ça pour un marathon on se gave de pâtes la veille, de Gatosport le matin et on part avec 10 gels à la ceinture mais pour un trail on part la bourse vide ! Bravo Clémence !! ça m’apprendra à me lancer en touriste sur une course ! Peu à peu les pelotons se forment, je m’accroche à la foulée de 2 trailers qui seront mes partenaires sur presque toute la course : l’homme à la casquette orange et l’homme au sac à eau qui fait Flic Floc.
1ère côte qui pique
A partir du 6ème, le temps de chauffe est passé, le diesel est en marche, je commence enfin à m’amuser ! J’attaque une belle montée, je pense fort aux paroles de Greg qui, sur la Saintélyon en relais, me conseillait de marcher dans les montées pour récupérer, je m’exécute… Enfin j’essaie : je monte en prenant appui une main sur chaque cuisse… mais ça glisse ! Non pas au sol, sur mes cuisses ! C’est ça de se tartiner les gambettes d’huile solaire… « Alors la p’tite parigote: on pensait faire bronzette ? On s’est crue au trail de Deauville ? » C’est sûr que je ne risquais pas l’insolation en courant en pleine forêt…
10ème km, le ravito : vite, du sucre, donnez-moi du sucre ou je vous fais une hypo’ !! Je suis lancée dans ma course, pas le temps de me poser : je gobe 2 abricots secs et descend un verre d’eau avant de repartir de plus belle. Une fille au t-shirt rose me double et part en flèche dans la montée. Impossible de la suivre, il faut définitivement que je me mette à la PPG et à l’entraînement en côte, mais pas facile à Paris. Biiiip, excuse bidon ! Je pense à l’interview entendue la veille de Nathalie Mauclair, championne du monde de trail qui s’entraîne dans le plat pays qu’est la Sarthe via des allé-retours sur une petite montée d’1 km. Comme quoi, quand on veut on peut… Allez, Clem, on s’accroche, t’es peut-être nulle en montée mais tu doubleras en descente, Go !
Sur les 10 prochains km je profite à fond de la course, je tente d’admirer les paysages tout en gardant un œil à terre pour bien assurer mes appuis.
C’est beau le trail, c’est solidaire. Je suis sensible aux attentions des coureurs qui m’entourent : un petit signe de la main en me doublant pour me montrer les quelques pierres casse-gueule à éviter, je suis sensible aux attentions de Mr casquette orange, qui sur les fins de montée me souffle un « Allez ! » pour m’aider à reprendre la course. Je suis sensible à tous ces gens postés au fin fond de la forêt pour nous encourager avec ferveur, je suis sensible à… merde je pleure ! Grosse montée d’hormones, comme à ma sortie de maternité de Junior 3. Mais qu’est-ce qui m’arrive ?
Et voilà ce que c’est de de faire une course seule face à soi-même en forêt sans camarade de Club, tu t’égares Clémence… Je pense à ce trail et toutes ces autres courses que je n’aurais jamais pensées pouvoir courir il y a 2 ans. Je pense à tout ce que ce sport m’a apporté, je pense à ce que je pensais être avant la Course A Pieds : une ex-nulle en sport qui se croyait d’ailleurs nulle en tout, et à qui la CAP a ouvert le champ des possibles. Wowowo Clem, le cycle « bad trip » c’est valable sur les Ultra, pas sur les micro-trails de 32km. Pas pratiques les descentes avec les yeux embués, je tente d’arrêter mon happyblues, en pensant à mes enfants qui m’attendent au 25ème km. Mmmmouais sujet sensible les enfants, on va trouver autre chose hein…
Arrivée à la Croix de Barlette, je me lance dans la descente qui m’amènera jusqu’à ma p’tite famille, je m’éclate dans les pentes, je redouble la dame au T-Shirt rose (nan mais !), je prends vraiment mon pieds à trouver les bons appuis pour rebondir.
En bas de la descente, je prends dans mes bras ma p’tite famille et file attaquer une nouvelle côte. Sur le chemin, un spectateur compte consciencieusement chaque passage de coureur : 193,194, 195… Non ? 195ème, serait-ce possible ? Je ne le resterai pas longtemps car après le 27ème km je perdrai en rythme et en place !
Après le 27ème, c’est la lutte !
Je regrette mon manque de sortie longue depuis le Marathon de Paris, les fractionnés faits à moitié, j’ai les jambes raides, je peine à avancer. Les 5km restants me paraissent interminables…Une gendarmette-éclaireuse postée en forêt me demande en me voyant passer « ça va Madame ? ». Ouh, c’est que je dois vraiment avoir une tête de ravagée là, allez on s’accroche. Dans la montée (encore une ! et oui c’est un trail, on n’est pas là pour enfiler des perles mais pour grimper !), la fille au T-shirt rose me double de nouveau en me lançant un « me revoilà » avec un grand sourire… Grrr, je ne fais pas le poids dans la montée, impossible de la suivre, je la vois partir au loin.
Le peloton est complètement éclaté, plus de casquette orange en vue, plus de Flic Floc, je suis seule.
Mes pieds commencent à se cogner l’un l’autre : et quand j’ai mon pied droit qui claque la bise à mon pied gauche, c’est que je fatigue. Je baisse quelques secondes la garde sur mes appuis et CLAC : ma cheville part vers l’extérieur…. Aïïïe ! Et une cheville, merde ! Je regarde ma montre (la super Suunto Ambit 3 Run que j’ai le plaisir d’avoir en test pour quelques semaines…)qui m’indique 29,5km. Je hurle « Non, Non, Non pas là !!! » Pas si proche du but ! Je continue en marchant sur des oeufs, je ne compte plus les coureurs qui me doublent en me lâchant quelques mots de réconfort. Si ça se trouve, à chaud sur mon bobo, je peux peut-être terminer ma course ? ça se tente… Je reprends prudemment la course.
Le Finish : cuite mais heureuse
J’y suis presque, j’en rêve de cette arrivée ! Ma montre m’indique qu’il ne reste que 800m mais on est encore en plein forêt, ou est cette fxxxxxx arche d’arrivée ?! Devant moi, une bonne dernière côte suivie des « escaliers de la mort » : des marches bien casse-pattes après 30 bornes, mais avec toute une foule en délire qui vous encourage sur les derniers mètres. Je sais qu’après l’escalier c’est la délivrance, je marche soulagée, mais jette tout de même un œil derrière moi pour checker que je n’ai pas une féminine dans le dos. Oh non… « Mayday ! Mayday ! Féminine en t-shirt jaune dans le viseur à 150 mètres ! » Merde, c’est pas le moment de perdre une place là… Je donne tout en accélérant la marche (incapable de courir dans les marches)… Avec un peu de bol je me dis que le T-shirt jaune est aussi cuite que moi et qu’elle aura du mal à passer la 5ème. En haut de l’escalier, je tente de reprendre de la vitesse dans la descente et prie pour que l’arche d’arrivée ne soit pas loin, j’entends la voix de Chauchau au micro, c’est bon ! C’est la trop sympa Laurence Klein, grande championne d’Ultra avec laquelle j’avais échangé quelques mots la veille, qui me cueille au micro à l’arrivée. Je suis tellement cuite que j’en oublie d’arrêter mon chrono (la fille au t-shirt jaune arrivera 20 secondes après moi, j’ai eu chaud aux fesses !).
Je rejoins la zone d’arrivée et me gave de victuailles avant d’aller chercher mon assiette en guise de médaille (et oui, on est dans le pays de la Porcelaine !). Le soir même je consulte mes résultats en ligne : pas de dossard 1819 dans le classement, je suis inexistante, bug de puce : trop verte ! Voilà une course qui porte bien son nom : les Voleurs de Temps ont piqué mon Chrono ! Mais heureusement les Gendarmes m’ont restitué mes 3h05 dans le classement le lendemain même. Merci !
C’était une super course, ultra conviviale avec un public de folie tout au long du parcours, des bénévoles super sympas ! Mais j’ai trouvé ça dur, et pourtant il y a pire comme dénivelé et c’est un micro-format vs d’autres Ultra ! Florence, Catherine, Elodie, Cécile… : à toutes ces femmes au mental d’acier qui enchaînent les Ultra et m’inspirent, you are my heroes !
« I »ll be back » et mieux préparée pour les montées !