5 ans plus tôt, quelque part dans des bureaux parisiens :
– « Foutue imprimante de m—- !
- un problème Clémence ?
– Et voilà, y a encore bourrage papier ! ça fait 3 fois que j’essaie de sortie mon plan d’animation de Noël mais cette foutue machine me dit « bourrage sous le capot 1″
- t’inquiète, regarde : on ouvre le capot pour sortir la feuille coincée et ça repart
- Mmmm, euh ok, merci Vincent ! »
Voilà à quoi pouvaient ressembler mes échanges avec Vincent Viet en 2010. Mais si seulement j’avais su… Avec une graine de champion comme collègue, j’aurais pu parler Trail, fractionnés, Saintélyon, marathon, mais non… Mes échanges se limitaient à de banales discussions de couloir, car à l’époque, la CAP n’était pas encore entrée dans ma vie, contrairement à Vincent Viet, en passe de devenir un des meilleurs trailers français…
Vous connaissez peut-être Vincent grâce à ses précieux conseils prodigués dans son magasin Terre de Running de Puteaux, ou encore par son coaching de La Parisienne ou X-Run, mais connaissez-vous le Vincent Champion ? Pas sûr car Vincent se démarque tant par ses performances que par son humilité. Voici (une partie de) son palmarès qu’il ne vous partagera donc pas de lui-même : 3ème à l’écotrail de Paris en 2014, 4ème aux Championnats de France de Trail, 2ème au dernier Odysséa (32’ quand même…), un 1er et unique marathon couru en 2h38 à Paris en 2012, prometteur pour les prochains…
Que ce soit sur bitume ou en trail, Vincent dépote…Alors s’il y a bien une personne à qui je rêvais de piquer quelques conseils pour tenter ma 1ère Saintélyon en intégral, c’est bien lui ! Si vous aussi vous vous apprêtez à courir ces mythiques 72km pour la 1ère fois, ces conseils sont pour vous.
I. Préparation Saintélyon : progressivité et intensité
Partir re-po-sé ! Ils sont loin les beaux jours…L’hiver a même décidé de coiffer l’automne au poteau en pointant le bout de son nez dès octobre. Je ne sais pas pour vous, mais moi je suis flagada et en train de payer le break running que je n’ai pas voulu faire cet été. Alors quand Vincent m’a vu arriver avec mon coup de mou, il a eu ses sages paroles qu’inconsciemment j’attendais : « Ta prépa Saintélyon, tu vas la démarrer avec 10 jours OFF et une cure de vitamines + Gelée Royale. ». Ne pas oublier qu’une course courue sans niaque est une course courue à moitié !
Jusqu’à quelle distance parcourir en sortie longue ?
«En prépa Saintélyon, pas question de faire des sorties de plus de 50km, gardes ça pour le jour J.
Plutôt qu’une grosse sortie longue, programme une semaine bloc 1 mois avant ou tu vas doubler progressivement ton kilométrage hebdomadaire. (ça ne concerne bien sûr pas les fous furieux déjà à 120km/ semaine…)
C’est toujours bien d’avoir un petit trail (20 à 35km) dans ta prépa. Si tu pars sur un trail de 30km, termine ta journée par un 10km allure cool pour augmenter le kilométrage et tester les vertus de l’entraînement biquotidien.
Case une sortie à jeun dans la semaine pour habituer ton corps à puiser dans ses réserves » (raisonnable là sortie bien sûr, pas 2 heures…)
Travailler en côtes pour des cuissots en béton : je fais comment à Paris ?
Son truc à Vincent, c’est la côte… Il connait les spots d’entrainement des parisiens trailers comme sa poche de short : le parc de Saint Cloud, l’incontournable circuit des 25 bosses qu’il arpente les yeux fermés à la vitesse de l’éclair, il y ait comme chez lui. La Jungle a son Mowgli, Fontainebleau a Vincent Viet. Si vous voulez vous frotter aux 25 bosses avec un guide 5 étoiles, guettez la page FB de terre de Running puteaux, Vincent y organise souvent des sessions.
Côté plan d’entraînement, il y a pléthores d’offre sur le net, pas besoin d’en dire plus…Ce qui m’intéressait était de comprendre comment un champion se prépare à sa course…
II. Ne rien laisser au hasard
Sur une course longue, c’est dans l’anticipation, la prévision et la concentration que se fera la différence. La clé, c’est d’arriver serein, confiant, dans sa bulle.
« Un imprévu : c’est le grain de sable dans le moteur qui va te faire dévier de ta course. Réfléchis, prévois tout pour te libérer la tête le jour J et n’être concentrée que sur une chose : ton effort. » Ok coach, mais concrètement ça veut dire quoi ?
« Enregistre le parcours, le dénivelé sur chaque portion, découpe tes 72km en plusieurs parties pour monter ta tactique de course.
Par exemple : Les 14 km avant le 1er ravitaillement a St Christo montent (et mieux vaut monter léger en pensant à s’économiser pour la suite) et tu auras moins soif les 1er km : pas besoin de remplir ta poche d’eau à fond, mieux vaut partir léger et la remplir au 1er ravito [et vu que personne n’aura vidé sa poche au 1er ravito on aura toujours moins de queue au 1er qu’au 3ème]. Sur cette 1ère partie, tu n’as pas les mêmes besoins en textile qu’après Sainte Catherine : 2 couches suffisent. Ne t’encombre pas d’une veste que tu enlèveras et que tu devras remettre mouillée une fois dans les hauteurs. » D’autant plus que c’est toujours pénible de devoir dé sangler son sac pour le ramener sur l’avant et y ranger ce qu’on a en trop en pleine course…
« Pars avec un temps de passage cible associé à chaque ravitaillement pour te permettre de voir ou tu en es de ta course. » Mais comment savoir quel temps ciblé sur cette 1ère Saintélyon ?
Quel objectif de chrono se fixer quand on n’a jamais couru plus de 42 km ?
« Un 1er long trail, c’est comme un 1er marathon : l’objectif c’est de terminer.
Si tu veux vraiment te donner une idée de temps cible, cherche dans les résultats des années précédentes les chronos de personne à ton rythme sur d’autres courses, regarde les temps de passage à chaque ravito pour te donner une idée de ton avancement. »
Les chronos varient bien sûr d’une année sur l’autre en fonction de la météo et du tracé, mais ça donne une idée, un fil rouge.
III. Equipement : comment ne pas arriver en touriste ?
« Les 3 équipements sur lesquels tu ne dois pas lésiner : les chaussures, la veste, la frontale »
Les chaussures : inutile de préciser que l’essai de nouvelles chaussures 2 jours avant est à bannir. Je l’avais fait l’année dernière pour me lancer sur la Saintélyon en relais (ici!) mais je ne m’y aventurerai pas cette année !
La frontale : « pars sur du 220 lumens (compter entre 50-100€), 80-100 lumens tu risques d’être limitée dans ton champs de vision. » [je confirme, l’année dernière ma 80 lumens n’éclairait pas plus loin que le bout de mon nez, je m’aidais des lumières des autres coureurs pour me guider…]. Pour les frontales qui marchent aussi sur batterie, préférez la version piles et partez avec un jeu de rechange. Prenez des vraies piles « lapins roses » qui coûtent un bras, pas des Alkalines qui vous obligeront à vous arrêter toutes les 2 heures.
Pour le haut : 3 couches !
Cette année, sous les conseils de Vincent, j’ai investi dans une vraie 1ère couche-technique, manche longue, thermo-régulante, qui évite le chaud-froid lié à la transpiration.
« Si tu as une sous-couche technique, une 2ème couche manche courte légère suffit. La dernière couche est clé : une vraie veste technique, imperméable, coupe-vent. »
On n’oublie pas de couvrir les extrémités pour garder son énergie corporelle : le bonnet, le passe-montagne et les gants !
Sac ou ceinture ?
« C’est une affaire de goût, mais le sac a le mérite de tenir chaud. Et en course, il faut protéger le haut du corps, les organes ! » Si on opte pour le sac à eau, on n’oublie pas d’entourer son fil de sac à eau dans du papier aluminium pour le préserver du gel, ni de bien aspirer l’air restant de sa poche à eau en la mettant à l’envers pour éviter de faire « flocfloc » sur 72km.
Alimentation : préparer sa nutrition
« Prépare ton alimentation en fonction des segments et de ta stratégie de course : gardes tes gels pour la fin de course, après une grosse difficulté ou lorsque tu as un coup de mou.
Là encore on ne laisse rien au hasard : non on ne prend pas un gel au pif sans savoir ce qu’il nous reste et si la prochaine munition est dans la poche droite extérieur ou la gauche intérieure. D’autant plus qu’à 3h du mat avec les doigts engourdis par le froid on a vite fait de s’énerver à trouver ses munitions mal rangées. « Prévois 1-2 barres ou 1 barre + gel à ingurgiter toutes les heures. Mieux vaut garder les gels en fin de course : + facile à avaler et pour peu que tu en ais encore sous les baskets pour aller à la bagarre sur le dernier tronçon, ça te boostera. »
La montre : « Oublie ton allure. On se concentre sur le temps, la distance et son rythme cardiaque tout simplement. Travailler au cardio permet de ne pas se mettre dans le rouge et se freiner en début de course. Une astuce est de cibler une fréquence cardiaque à ne pas dépasser ( ex : max 150 puls pour moi).
IV. LE JOUR J : sérénité, concentration et patience
Avant la course :
« Fais tout pour partir sereine et confiante : en te reposant ou en papotant durant l’attente dans le stade, mais sois zen. » Penser à apporter son sac de couchage pour tenter un petit somme ou rester au chaud avant le départ.
Partir léger : Bouder la Pasta Party
L’année dernière, j’étais tombée dans le panneau de la Pasta Party : un moment très sympa avec les copains de course mais un véritable empoisonnement collectif ! N’oubliez pas : « Pasta Party dans le gosier, peau de renard assurée » (ce n’est pas de Vincent hein c’est de moi ça) et certains de mes partners de 2014 en ont fait les frais… Et comme le dit Vincent : « Est-ce qu’avant un marathon tu te gaves de pâtes au petit-dej ? non ! et bien là c’est pareil : quelques heures avant de te lancer sur le parcours, prends du riz ou des pommes de terre à l’eau avec du jambon, en petite portion. Et en patientant dans le stade tu peux prendre des morceaux de bananes ou de barres de céréales pour partir légère. »
Gérer sa course !
« C’est sur les 1er km que commence la gestion de la course : tout le monde fonce au départ, ce n’est pas une raison pour suivre, d’autant plus qu’un grand nombre court en relais et ne fera qu’une partie de la course. Toi c’est bien 72km qui t’attendent. Ton objectif : arriver fraîche au marathon. »
Le maître-mot : PATIENCE
« Sur la 1ère partie de course : « LAISSER-FAIRE ». On te double, on te bouscule ? Reste focus sur ta course et pense à la 2ème partie ou ce sera le moment de « FAIRE ». C’est là que les places se remontent…Mais Patience : ne rien tentez 20km avant la fin. Et n’oublie pas que la partie la plus difficile de la course reste les 10 derniers km avant de rejoindre la Halle Tony Garnier, économise-toi ».
« S’économiser c’est aussi ne pas se borner à courir dans les montées. Sur la 1ère partie, tu as la forme et tu pourrais les grimper en courant, mais oublie… Ne surtout pas perdre d’énergie. Une montée = Une opportunité de récupérer en marchant, de faire baisser ton cardio. Tout le monde te double dans les 1ères montées ? Oui, mais c’est toi qui doublera dans 50km. LAISSER-FAIRE… ».
Gérer les coups de mou
« Une course c’est cyclique, donc si tu as un coup de mou ça veut dire que tu ne peux que remonter. Pour éviter de gamberger sur le « pourquoi du comment je me suis retrouvée dans cette galère alors que je pourrais être sous la couette », évade-toi vers autre chose. C’est le moment de sortir ta playlist préférée… »
Toutes les heures : s’hydrater et s’alimenter !
« Ne pas attendre d’avoir soif pour boire » : on le sait tous, mais par -5°, voir par temps de neige, on a tendance à bouder son sac à eau. Et pourtant c’est clé pour rester constant dans l’effort. Un coup de fatigue et hop : on est moins attentif, on gère moins bien ses appuis, une entorse est vite arrivée… D’où l’importance de bien préparer ses lots de gels et barres pour s’alimenter facilement, sans se poser de questions.
« Et surtout : pars sereine, tu es la pour t’amuser, sois heureuse d’être là. »
Il a tout compris Vincent… De la forêt, du dénivelé, une fraîche nuit d’hiver et un ruban de frontales sur 72km : il en faut peu pour être heureux ! De belles paroles pas si étonnantes que ça venant du « Mowgli de Fontainebleau »…
Pour en savoir un peu plus sur Vincent Viet :
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Vincent n’est pas né baskets aux pieds mais guidon à la main : il a pratiqué durant 10 ans du cyclisme à haut niveau. Le vélo c’est bien mais prenant et peu compatible avec une vie professionnelle. Alors Vincent se met à courir, tente en touriste un 1er semi en 2008 (1h19, et vlan…) et accompagne un copain sur la 6000D en 2009. Il part dans le peloton de fin, double, double et redouble pour terminer 30ème.
C’est là que Vincent commence à s’entraîner (et oui, parce que ses perfs d’avant c’était finger in the nose, sans rien faire…). Il tente sa 1ère CCC en 2011 et finit 100ème avec un pied en moins mais se vengera l’année suivante en terminant 8ème.
Là il se dit que ça pourrait être sympa de courir un marathon, c’est sur Paris qu’il claquera un 2h38 (et re-vlan…)
2013 : il tente de nouveau un peu de bitume avec une belle 1ère place au Semi de Vincennes en 1h10, il multiplie les trails et en plus il les gagne…
Depuis, Vincent est abonné aux marches des podiums, dont une belle 3ème place à l’Ecotrail de Paris.
Et quand vous lui demandez son secret, Vincent le modeste met tout sur le dos de son patrimoine génétique « c’est pas ma faute, c’est mes parents »…
Si vous voulez en savoir plus sur Vincent, vous pourrez le croiser sur la Saintélyon 2015, mais il va falloir courir vite ! Et sinon vous savez ou le trouver …
Terre de Running à Puteaux. 3, boulevard Richard Wallace.
Un grand Merci Vincent pour tes précieux conseils !