Un Champion triathlète s’entraîne-t-il 3 fois plus qu’un athlète ? Mange-t-il du chocolat ? a-t-il les pieds palmés? Trouve-t-il du temps pour côtoyer des gens « normaux » ? Autant de questions que je me pose depuis que j’ai gouté à la triple discipline. Les triathlètes m’intriguent, et les triathlètes femmes me fascinent… Charlotte Morel en fait partie : voilà une jolie championne qui donnerait à tout sportif l’envie de s’essayer au triathlon.
Le 19 juin dernier, Charlotte Morel remportait pour la 2ème année consécutive le titre de Championne de France de Triathlon Longue Distance. Une nouvelle victoire à ajouter à son beau palmarès : 4xChampionne de France de Triathlon, Podium en coupe du monde et Europe, Vainqueur du Deauville Triathlon 2016 et du Polar Cannes International Triathlon 2014, ou j’ai eu le plaisir de la croiser. Elle a accepté de livrer un peu de son histoire et de son quotidien de triathlète de haut niveau.
Ses débuts
Charlotte a commencé la natation a 3 ans, et comme nous tous, à participer aux Cross du Collège (sauf qu’elle, elle les gagnés). Poussée par ses profs d’EPS et son oncle triathlète, elle participe à son 1er triathlon. Elle arrive « en touriste », sans prépa spécifique et sans être montée sur un vélo de route, Bime : elle le gagne. Cette 1ère victoire l’emmène à tenter un 2ème triathlon, sélectif pour les Championnats de France… et Bime : rebelotte, 1ère place ! C’est le début d’une belle destinée de Triathlète.
Quand as-tu décidé de devenir Pro ?
C’est un cheminement qui s’est fait assez naturellement. Dès ma 1ère année en triathlon, j’arrive 4ème sans préparation de fond. La 2ème année, en travaillant plus spécifiquement je deviens Championne de France. C’est là que je décide de rentrer en Sport-Etude pour m’investir pleinement en triathlon.
L’entraînement à haut niveau
Ta semaine type d’entraînement ?
Je suis sur 25 heures par semaine
- 5 à 6 sortie course à pieds par semaine
- 4 séances de natation
- 6 sorties vélo (2x5h et +, 2 sorties de 3 heures avec intensité et 2 « petites » sorties)
C’est un entraînement « réduit » car j’étais plus sur 30-35 heures jusqu’à mes 22 ans. J’ai aujourd’hui besoin de me dégager du temps pour gérer mon entreprise de coaching*.
* Charlotte a monté son entreprise de coaching en nutrition et activité physique avec son compagnon Frédéric Belaubre, lui aussi Champion Triathlète : MyTRIBE.
Pourquoi as-tu monté ta propre structure de coaching ?
Le triathlon est très chronophage à haut niveau, tu peux vite t’y enfermer et c’est important pour moi d’avancer en parallèle, de me construire dans autre chose que la performance. Une fois mon Master en nutrition terminé en 2013, j’ai lancé ma structure « MyTRIBE» en 2014. C’est une expérience très riche qui me permet de transmettre ma passion pour le triathlon quelque soit le niveau, d’échanger, et de faire de belles rencontres.
Qui t’entraîne ?
Avec Fred (son compagnon), on s’auto-coache depuis 2 ans. Être deux est une vraie force dans notre entraînement au quotidien. Même si de temps en temps on aimerait se reposer sur quelqu’un, car on a tendance à être bien plus exigeant envers soi-même…
La séance que tu attends plus que tout :
En CAP, j’aime les séances sur distance « semi », pas hyper intense, mais ou l’on est à l’aise.
(NB : Charlotte fait ses séances « cool » semi en 1h30, soit un footing à 14km/h, sic…Pas étonnant avec une fréquence cardiaque à faire avaler son stéthoscope à n’importe quel médecin : 34 au repos, quand le commun des mortels féminin est entre 60 et 70.)
La séance que tu redoutes :
Les séances d’intensité courte en CAP, tout en explosivité, ce n’est pas mon truc mais ça fait progresser !
La course qui t’a le plus marquée ?
Mon 1er championnat de France en Elite en 2007. Je suis arrivée Junior et ai été surclassée, et pourtant j’ai gagné, sur une course de fou. Et partager cette victoire avec Fred qui a lui aussi gagné était très émouvant !
Ton temps au 10km
35’54 (voilà voilà, et tout ça avec quelques kilomètres de natation et de vélo dans les pattes)
Les Blessures à haut niveau…
Avec un investissement sportif aussi intense, comment fais-tu pour éviter les blessures ?
L’organisme a ses limites, et pour être au top niveau, je les repousse en étant en permanence sur la corde raide. Pour les éviter, je programme bien mon entraînement, avec une progression linéaire et pas brutale. J’ai un matériel adapté, et je ne néglige pas les soins kiné. Et surtout : la récupération niveau hygiène de vie, alimentation, sommeil doit être au top.
Malgré toutes ces précautions, j’ai eu pas mal de blessures. Depuis mes débuts jusqu’à mes 22 ans, j’étais à 35 heures d’entraînement par semaine, à un âge ou l’on grandit. Et quand tu te rentres dedans depuis l’âge de 13-14 ans, ça crée des dérèglements hormonaux, des failles. Les fractures de fatigue, je sais d’où ça vient, la charge était très élevée…et c’est la course à pied qui fait le plus de dégâts. En natation, tu risques des tendinites mais ce n’est pas grave. A vélo les blessures sont plus liées à des problèmes de position. L’entraînement en course, que ce soit sur long ou court, est plus traumatisant.
Arrives-tu à être à l’écoute « des limites » de ton corps ?
Oui de plus en plus, la récupération fait partie intégrante de mon entraînement, et j’écoute les débuts de douleurs. Plus jeune, je faisais semblant de ne pas les sentir. Et s’entraîner sur la douleur ne faisait qu’empirer la blessure. J’y fais maintenant très attention.
Comment gères-tu ses périodes de blessure ?
Peu de sportifs les vivent bien, c’est toujours des moments ou tu perds la motivation, ou tu vois tous tes objectifs s’effondrer, tu perds ton niveau, tu dois renoncer à des courses. Mon activité de coaching me permet de prendre de la hauteur et de garder d’autres objectifs en tête, pas que sportifs ! Je suis aussi fière et heureuse d’être soutenue par l’armée de terre : je suis militaire et je donne des cours de natation pour les militaires durant mes 3 semaines de coupure hivernale (j’en connais qui doivent être assidus en cours de natation…)
Comment maintiens tu ton niveau en période de blessure ?
Tu ne perds pas au niveau physiologique et musculaire. Tu perds la spécificité de la discipline. Pour le cardio et le musculaire, je l’entretiens avec la natation et le vélo en complétant avec deux séances de PPG par semaine.
En 2014 tu t’alignes en fin de blessure sur ton 1er LD sur le Polar International Cannes Triathlon et tu termines 1ère : comment fais-tu ?!
Je ne m’y attendais pas… Je sortais d’une blessure au fémur qui avait bien pénalisée ma prépa. J’avais repris 2 semaines avant, avec une bonne prépa en natation et vélo mais rien en CAP, j’avais fait 2-3 footings pour me préserver pour la course. Je suis sortie du vélo avec 8 minutes d’avance, et ai réussi à garder mon avance en course.
Fais-tu attention dans ton alimentation au quotidien ?
J’aime profiter de la vie et j’ai du mal à me refuser un carré de chocolat. Je fais attention à manger équilibré, à éviter les sucreries, à manger des fruits et légumes. Je veille surtout à une alimentation alcaline : quand on s’entraîne on crée de l’acidité donc si on mange en plus acide, le corps crée des déchets et des inflammations, c’est là que naissent les pathologies de déchirure, tendinite, ça ronge les os. C’est super important et on n’en parle pas assez aux sportifs ! L’acidité n’est pas forcément là ou on l’attend, elle est notamment dans les sucreries, les viandes… donc je m’autorise ces plaisirs mais pas tous les jours.
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Ses conseils pour se mettre au Triathlon
Se mettre au triathlon quand on nage comme une enclume est-ce possible ?
Quand on a la volonté et l’envie, quelque soit l’âge, on peut arriver à progresser. En tant qu’entraîneur, chez MyTribe, on voit arriver des non-nageurs qui s’accrochent, c’est fou de voir ce qu’ils arrivent à faire en 1 an !
Comment gérer son entraînement quand on vient de la CAP ?
Au niveau du temps d’entraînement, il y a 3 disciplines donc il faut équilibrer au mieux les trois en fonction de votre profil sportif. Les coureurs ont un avantage au niveau physiologique et musculaire, ils ont des capacités déjà présentes, il faut travailler la technicité des disciplines en vélo et natation. Le vélo vient vite, privilégiez la natation pour arriver rassuré sur le départ. L’endurance et le travail physiologique peuvent se faire sur vélo, ça évite les traumatismes de la CAP.
Un conseil à tous les parents : mettez vos enfants à la natation, juste deux ans, pour qu’ils gardent des sensations aquatiques, on le garde à vie ! (les enfants, devinez à quoi Maman vous a inscrit l’année prochaine ???…)
Pour le matériel, débutez avec du seconde main. Les triathlètes changent régulièrement de vélos et de combinaison, c’est facile de trouver des occasions qui font très bien l’affaire. En vélo, choisissez bien votre cuissard et ne négligez pas le choix de la selle… Elle peut devenir votre pire cauchemar si ce n’est pas celle qu’il vous faut.
Choisissez bien votre 1er tri : commencer par un sprint, un parcours qui convient à votre profil. Vous êtes léger et vous aimez les bosses ? Optez pour une course vallonnée. Vous êtes un rouleur ? Prenez un parcours roulant.
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Si tu ne t’étais pas lancée en Triathlon, que serais-tu aujourd’hui ?
Je serais peut-être prof des écoles… Après le Bac je voulais entrer à l’IUFM mais j’y ai renoncé pour le Triathlon !
Ce qu’on peut te souhaiter de mieux pour 2016 ?
Plus de blessure, être au top niveau pour performer !
Ton prochain objectif ?
L’EmbrunMan !
On te souhaite de le gagner ! Tes victoires au Tri de Deauville, du Tri militaire de Montauban et des championnats de Frande LD sont de bonnes augures pour la suite… Bravo et merci Charlotte !
Vous rêvez de vous faire coacher à distance par une super Championne de France, ou de vivre 1 semaine d’entraînement d’une triathlète de haut niveau en stage avec MyTribe ? C’est ici.